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25 avril 2013 4 25 /04 /avril /2013 07:39

Lorsque j'envoie un texte à un éditeur, je me dis "pour le meilleur ou pour le pire! " Enfin, plutôt pour le pire, le meilleur de l'écriture et de la joie, de l'enchvêtrement des mots, étant déjà derrière.

Dans le pire – et la majeure partie – des cas, je n’aurai pas de réponse. Ou une réponse négative sans autre précision que « Nous avons le regret… » … « notre ligne éditoriale… » Ah, la ligne ! En ont-ils lu une seule de mon roman, de mes nouvelles, au moins ?

Nous sommes nombreux. Ils n’ont pas le temps les éditeurs disent-ils. OK OK je sais !

Dans un pire moins profondément ancré, mon texte pourrait plaire. Mais « nous ne publions que peu d’ouvrages par an et… », et ils en reçoivent à la pelle des manuscrits comme le mien.  OK OK, on sait ! Même si « comme le mien » est la preuve intrinsèque qu’ils n’ont pu, au mieux, que le survoler, mon manuscrit…

Dans le meilleur du pire, éventuellement, mon texte pourrait être… pourrait être, oui, oui, re te nu ! Vous avez bien entendu : R E T E N U. Hip hip hip, Yeah ! Mon Texte, RETENU!

Fierté et vanité, gloire à moi, faire un livre de mon texte, de mon roman, de mes nouvelles, un livre en vrai, tout en papier et couverture cartonnée. Summum et paroxysme ! Alléluia !

Oui, mais ! Il y a forcément un Mais. Parce que c’est là que les abominables tractations commencent. L’éditeur, qui a choisi mon texte parmi des milliers d’autres, qui n’en a pas écrit une seule ligne, commence subitement à le trouver moins bon. A lui trouver un tas de défauts. A vouloir décortiquer là et là. A détricoter les côtes et les mailles torses pour en faire un vulgaire point mousse.  «  Ca, là, vous voyez Madame l’auteure, ce n’est pas vendeur ! » Ah nous y voilà : l’argument de taille, qui va lui permettre n’importe quels amputations et raccommodages. Avec  son grain de sel en prime, pas forcément grain de style !

Et là, horreur, malheur, ma fine et délicate dentelle patiemment fuselée risque de basculer dans un vulgaire travail manuel pour club de mémères à doigts gourds en panne d’inspiration. Mon thé aux fragrances orientales devenir un bol de chicorée. Mes amoureux de Paname enlacés, seuls au monde dans la rue des Soupirs, se transformer en grotesques touristes mêlés à la foule s’extasiant devant une tour Effel…  J’en passe…

Pour le meilleur ou pour le pire disais-je ? L’angoisse de mon texte bafoué me prend à la gorge, me vrille les entrailles.  Comment ai-je pu à ce point omettre de le protéger ce texte, de me protéger, en le soumettant ainsi à un regard superficiel et cupide ? Il va être bafoué, oui bafoué, c’est certain.

La machine infernale de la décomposition-recomposition est lancée. Il faut justifier d’un style face à une volonté commercialisante. Des deux, qui va l’emporter ? L’éditeur qui s’emporte ? L’auteure qui proteste ? S’ensuivra sans doute une sorte de compromis, bouillie-marmelade qui ne sera ni de l’un ni de l’autre.

Et l’éditeur de se plaindre de l’orgueil de l’auteure et l’auteure de pleurer ses mots perdus, son écriture, ses fleurons disparus, s’en sortant tout poussifs et éraillés, son texte ne lui appartenant déjà plus, prête à s’insurger contre sa propre compromission.

Au bout du compte qui ne fait le compte de personne, l’auteure ayant laissé entamer sa plume, corrompue pour quelques espèces sonnantes et trébuchantes, est taraudée par une lancinante interrogation : était-ce bien elle la géniale auteure du siècle ?

De guerre lasse, elle balaie la question sur le champ, se promettant que jamais plus elle ne livrera sa poésie en pâture, que jamais plus elle ne vendra son âme au diable.

Même pour une couverture en bonne place sur les étals…

J’ouvre les yeux, le cœur au bord des lèvres, un nœud dans le ventre : l’enveloppe épaisse est là, sur la table, prête à être postée.

 

Texte écrit dans le cadre de l'appel à contributions de Fabeli: Et vous dans quel état êtes-vous quand vous donnez vos textes à lire (éditeurs, amis...)?

http://www.fabiennerivayran.com/archives/2013/04/17/26946127.html

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16 janvier 2013 3 16 /01 /janvier /2013 16:21

 

« Ah, il ne fait pas bon être piéton aujourd’hui… ! »

 Ah, bon ?! La dame a l’air tout à fait valide. Elle n’est pas âgée. Il ne fait pas si froid.

Les gens sont des ânes. Les gens qui pensent et disent cela sont des ânes. Et encore, je ne devrais pas le dire ainsi, eu égard à l’animal.

Certains sont des gouffres d'oubli.

Il est tombé dix, allez, quinze centimètres de neige depuis hier soir. Certes, ça perturbe la circulation. Certes, si les trottoirs sont pour une bonne part dégagés, ils ne le sont pas tous totalement. 

Cet après-midi, sur la route, il n’y a déjà plus de neige. Le salage a fait son effet, le soleil parachève son œuvre.

La neige qui reste est encore blanche, lumineuse, resplendissante.

Nous sommes dans une ville de l’Est, habituée à ces intempéries.  Et encore, serait-ce le réchauffement climatique qui rend ces événements beaucoup plus rare, ne se produisant plus que deux à trois fois dans la saison, depuis quelques décennies ?

Alors quoi ? On ne veut plus regarder le blanc, le beau, l’immuable, sous un ciel rose ardoise ?

Que faudrait-il à cette femme pour qu'elle voie autre chose que le bout de ses chaussures, quelque chose d'autre que son nombril ? Des cocotiers qui poussent sous les pavés de la moitié Nord du pays ? Un sable fin et clair se déposant à leur pied ? Et que la mer ne soit pas trop salée ?

Tout vouloir et ne rien voir !

Je comprends que même la féérie la plus magique de la nature, celle qui nous ramène à l’innocence et au merveilleux de notre enfance ne compte plus pour rien pour certains. Regarder un ciel floconneux ou ses traces de pas... Seul le désagrément en est perçu.

Je vois que ces gens sont aveugles. Que « l’avoir tout » et « le tout tout de suite » l’emportent haut la main. Maudite soit cette société de consommation et d’urgence qui nous coupe de nos racines vitales, de notre être profond.

Que serions-nous sans cette nature et ses saisons ? Qui sommes-nous d'autres avec nos inventions, qu'une parcelle d'une immensité dont nous n'avons même pas idée?

Certains disent que l'ego de l'Homme finira par le tuer. Peut-être. Sans doute... En tout cas, cet ego a déjà tué une part de la sève.

 Au final, cette espèce et cette société nombrilistes m’attristent.

Elles me désespéreraient si, tous les jours, je n’ouvrais pas grand mes yeux … comme un enfant qui n’a jamais rien vu…

neige-1.jpg

                                                          

                                                            Photo:  http://blog.athos99.com/geneve-sous-la-neige/

 

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23 novembre 2012 5 23 /11 /novembre /2012 09:54

 

Flanquer un verrou sur le roux de nos joues,

quand nos jours de rouille

sont devenus véreux, macabres, malencontreux.

 

Fermer à double tour les trous de notre amour

doubler la porte de nos rêves tout doux

contre les verrous fous se protéger à double clé.

 

Verrouiller le fer éructé d’une langue brasier

pour mieux déverrouiller le feu d’une liberté

acquise au prix de maintes dérouillées.

 

Tu me verrouilles mais pour aller vers où ?

à part dans ta houille érigée

à force d’avoir fermé, muré, blindé

quand il te suffisait d’ouvrir le verrou

comme une vanne et de laisser couler

au lieu d’une rouille acide

un sang d’humanité.

 

 

Verrou 

 

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19 avril 2012 4 19 /04 /avril /2012 11:11

Ce serait  une chanson

Peut-être peut-être

 

Rien que pour eux

Rien que pour toi

 

Ca les amuse

Et ça t’amuse

 

Donner des noms

Balancer cafarder

 

Emettre des jugements

uniquement mesurés

 

A l’aune de leur ego

A l’aune de ta personne

 

L’autre, le dénoncé

Toujours dévalué

 

En-dessous d’eux

Dans le moindre de toi

 

Par leur unique regard

Par tes entrailles bouffées

 

Autant le faire payer

Et accuser c’est encore mieux ?

 

Ce qu’ils omettent

Ce que tu masques

 

C’est que leur procédé

Ta même façon de faire

 

Dans le semi-public

Ne risque rien, mais ne vaut pas un clou

 

Quel que soit le temps

Quelle que soit l’époque

 

Ce manque de franchise

Se nomme lâ-che-té.

 

 

Ils s’enferment dans leur monde

Tu t’enfermes dans ton rien

 

En jugeant, en taxant

Les autres de petits et de rien.

 

A quoi leur sert leur air

Et ta foutue hauteur

 

Snobisme de seigneur

 Ou règlement de compte ?

 

De compte s’il en est un :

à solder avec toi.

 

Du dessus ils jaugent

Tu campes dans le fumier

 

Qu’il soit le tien

Qu’il soit le leur

 

Les raisons d’accuser

D’abaisser mépriser

 

Il en existe cent

Il en existe mille

 

Que ce soit le faciès la bêtise ou la peau

Ils trouveront, tu trouveras toujours

 

De quoi railler, comparer

Déprécier ou cracher

 

Alors quand ils dénoncent

Ou quand tu donnes un nom

 

Je ne peux oublier

Que dans d’autres époques

 

Ou même des temps plus proches

Ces haleines putrides

 

Sont nommées dé-la-tion.

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28 septembre 2011 3 28 /09 /septembre /2011 14:39

 

Qui êtes-vous femmes, hommes, indissociables à force de vous lisser,

agglutinés, agglomérés,

à force d’agréger votre unique pensée et votre unique vue ?

Le reste, les restes !, à vos yeux, ne peut se concevoir, ne peut pas exister.

 

Ce qui est bon pour moi ne l’est pas nécessairement pour toi,

ce qui t’est nécessaire n’est peut-être que mon superflu.

Des listes alignées, là allongées, dressent nos portraits.

Et que je puisse y voir quelque chose de toi te bouscule,

bascule, arrache du viscéral en toi :

le masque que sans doute tu te tues à porter.

 

Avis qui sait, plus péremptoire qu'éclairé, en corps et âme lisses,

voilà juste ce que tu es prêt-e à donner.

Ton image polie, définitive, a pris la première place : celle du cœur, celle de l’âme.

Chut, ne rien dire et ne rien divulguer !

Ne rien entendre non plus : que les voix élevées en écho ne chatouillent pas ton ego !

 

Tu entasses des vérités par-dessus le fond pour le terrer, ne rien laisser filtrer de sa lumière.

Tu divulgues ces vérités dirigées par tes peurs les plus profondes, ancestrales,

que tu laisses moisir, pourrir à petit feu, pour les anéantir.

Mais comme l’étincelle qui couve, tu sens qu’au moindre rai, elles deviendront brasier,

incandescence de tes refus, et parmi eux le premier, le rejet de toi-même.

Tu le sens mais t’en aveugles, et pour t’en persuader,

tu en repeins les autres.

Certitudes dérisoires qui n’ont rien d’authentiques, fissurées,

dont les propres fêlures ne sont que les tiennes que tu assènes à d’autres.

P1030071.JPG

( Croquis, Laure Lie,1986)

 

Te distinguer dans les contours, indissociable dans l’essentiel,

 pareil-le à ces milliers qui masquent leur chemin tout en fouillant les autres…

…fouiller pour se trouver sans doute, mais chut, ne le dis à personne !

 

Point de vue, point de vie fermée à double tour, verrouillée, cadenassée,

attention, si je faisais basculer ton image, ton emprise,

un pouvoir illusoire qui te sert de rempart,

attention, on ne sait jamais, si je te découvrais… ?!

 

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26 mai 2011 4 26 /05 /mai /2011 20:19

 

Il disait « J’aurais bien des raisons, moi… ! »

Oui, il l’affirmait, qu’il aurait bien des raisons, lui, de déprimer-angoisser-aller-de-travers-être fragile…

« J’aurais bien des raisons… » disait-il, tout en le niant dans la même seconde, lançant sa sentence sans délicatesse à ceux qu’il classait déjà dans les faibles et les pénibles de s’écouter ainsi.

Voilà, il ne déprimait pas, il surmontait. Il allait droit et avait ses raisons.

 Et il l’assénait, sans éclat de voix, mais sans ambages.

Il jetait son jugement comme un anathème, sur les bonnes et vraies raisons ou les mauvais et faux motifs, à être mal en point ou fatigué de la vie ou perturbé ou anxieux ou…ou en psy-quelque chose. Certains le regardaient, un peu perplexes. D’autres passaient leur chemin.

Mais souvent, au passage, il écornait ; parce que dans le lot, il y avait bien quelques blessures profondes à atteindre. Ce qu’il visait sans doute, ultra persuadé de sa bonne foi. Alors, sa condamnation tombait sur l’un ou l’autre comme un mépris, quelques pièces balancées, condescendantes, dans l’escarcelle d’un pauvre bougre.

 

Oui, il disait. Mais ce qu’il disait, l’avait-il interrogé en lui ?

Que connaissait-il des failles de l’une, des fissures d’un autre? De l’origine du fragile qu’il qualifiait d’emblée d’infondé ?

Il disait que le vrai était dans la raison et la raison dans l’évident. Et l’évident dans le visible.

 

Tous nous sommes les enfants que nous étions, avec en nous cette part de joies et de souffrances originelles, qui font vibrer nos joies et rendent douloureuses nos souffrances d’adultes, si peu éclairés de nous-mêmes. Avec nos peurs ancestrales aussi. Qu’on le veuille ou non.

Ce si loin de chacun dont il ne voyait rien, comment pouvait-il alors le dire, le décrire, le jauger ?

Il avait ses bonnes raisons de ne pas se pencher sur des berceaux, et surtout pas le sien.

 

Des liens permanents entre un vieux  passé et son présent, mais pour quoi faire ?

Lui maîtrisait, tenait les rênes, contrôlait.

 

Longtemps, il l’a dit qu’il aurait eu bien des raisons… Longtemps.

Une bonne partie de sa vie, en fait. Pas la totalité.

Vers cinquante-cinq ans peut-être, un peu plus ou un peu moins, un matin, il s’est levé, il était tout bizarre à l’intérieur. Sans doute ce matin-là n’était-il plus celui de tous les possibles et il avait raison. Une maladie, une déconvenue plus grande que les autres, un fils en dépression, un amant à sa femme ? Allez savoir… Peut-être un rien. Juste un rien du tout de trois fois rien et sans raison particulière.

Une impossibilité à contrôler, maîtriser, juguler, camoufler comme les quarante années précédentes.

Quelque chose de cet ordre, ce matin-là sans doute, est apparu derrière ses yeux.

Et là, comme à la fin d’une pièce quand le rideau tombe sur la scène, ses certitudes et vérités ont blêmi, ont commencé à s’étioler. Soulevant dans le même temps un coin du voile qui le coupait de lui-même.

Durant des décennies il a cru.

Durant des décennies il a porté le masque.

Durant des décennies il a collé à d’autres, selon une logique rigoureuse, des étiquettes qu’il ne voulait ni voir ni savoir de lui.

 

Ce matin-là, peut-être qu’au travers de failles qui s’étaient davantage creusées, à l’image de ses rides, des douleurs sont revenues de loin.

Ce matin-là il a vu des piliers se lézarder.

Ce matin-là, il faisait clair au milieu de ses ombres; il n'a pu l'éviter.

Ce matin-là, il a compris qu’il avait passé toutes ces années à tisser ses illusions. 

Qu’il s’était leurré de peur de retrouver, au fond de lui, le tout petit qu’il avait été, fragile ou effrayé, angoissé, inquiet. Dépendant même.

Qu’il avait esquivé ces émotions, ces vibrations, certes violentes parfois, mais en vain. Qu’il les avait traquées chez les autres pour mieux les démonter et ne jamais les rencontrer.

De peur de se trouver.

Au final, il ne les avait pas même amoindries, ses failles, encore moins tuées. Elles étaient nettes et radieuses, comme au premier jour. La seule chose qu’il s’était ingénié à tuer, en réalité, était la part la plus vraie, au fond de lui.

 

Avait-il vraiment eu, ce matin-là, plus de vraies et moins de fausses raisons de se sentir mal au fond ?

Cette question, il l’a senti au moment de se la poser, n’existait pas, n’avait aucune existence.

La seule existence qui se posait comme une question, était la sienne, authentique, qui revenait de loin.

Un peu moins droit, un peu moins sûr, un peu vacillant même, il s’est levé. Pas si fier que ça, dans la lumière d’un matin un peu plus vrai que les autres.

Comme-des-larmes-de-lumiere.jpg

 

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23 avril 2011 6 23 /04 /avril /2011 21:21

 

« J’peux encore étaler de la confiture sur la tartine…. », traînant insidieusement sur la tartiiiiiineeee et sur son air sadique.

Ca, c’était le prof d’Eco de seconde. Qu’est-ce qu’elle nous a fait rire sa formule, quand il nous balançait une interro de dix questions, huit minutes avant la fin de l’heure et qu’on protestait qu’on n’aurait pas le temps !

Au début désorientés par cet abus de pouvoir, on a fini, à force, par se foutre carrément de lui, de ses interros et de ses tartines.

A quinze ou seize ans, nous n’étions pas très fins, pas vraiment finis. Mais l’était-il davantage, lui, du haut de ses cinquante balais ? Beaucoup moins que nous, beaucoup plus grossier, parce que l’adulte, c’était lui. On ne peut pas plus adulte qu’à cinquante ans. A quinze ans, on ne le dit pas comme ça. Mais on ne le sent pas moins bien pour autant. Parce que si l’âge ne permet pas une certaine humilité de soi à soi, et par là, envers les autres, à quoi sert-il de vieillir ? Si en avançant dans la vie, on reste encore arc-bouté sur son savoir, aussi étendu soit-il, en guise de pouvoir, sans rien comprendre d’autre –ou si peu- de ce qui fait l’humain, sans s’ouvrir à ses maux et ses désirs, à ses valeurs, alors ça sert à quoi tout ça ?

 

Plus de vingt-cinq ans ont passé. Quand j’entends quelqu’un qui montre, démontre, qui étale ou même parsème au compte-gouttes –c’est pareil, au bout du compte- l’étendue de son savoir, c’est automatiquement cette formule qui me revient, étaler de la confiture sur la tartine! Ca m’amuse toujours, mais pas autant. Parce qu’au final, je le plains.

Parce que, quelle que soit la cible en face, la cible choisie, on peut toujours trouver –ou penser trouver- moins instruit que soi. Le champ des connaissances est infini ; il est aussi varié de l’un(e) à l’autre. Alors c’est quoi ce simili-pouvoir ? C’est faire dans le facile que d’exister en pointant un individu comme public qui en saurait moins, comme faire-valoir. C’est simpliste. Sans sens. Assez débile en fait. C’est oublier que chaque autre sait d’autres choses, autrement, et que d’abord chacun est, avec son histoire. C'est oublier sa propre histoire.

 

Etaler de la confiture sur la tartine, c’est sans doute ce qui a le moins de sens au regard d’une existence. C’est aussi hiérarchiser et verrouiller. Etre hermétique. C’est sans doute être bien seul au fond. Perdu sur un lit de savoir comme au cœur d’un trésor égoïstement conservé. Parce que quand on étale, on ne partage pas. Rien. On regarde juste son nombril, craignant que d'autres ne l'ombrent.

Il existe bien un certain nombre de petits noms d’oiseaux sympathiques qu’on voudrait employer là, juste pour…comprendre ? Je-sais-tout, pédant, snob, hautain, méprisant ou… le tout à la fois ? Mais là, on met des étiquettes auxquelles chacun se défend bien de correspondre !

 

Oui, comprendre… Parce que à quoi ça sert de rester le cul calé sur son savoir, année après année ? A ne pas basculer ? Illusion d’être ! Ca ne sert pas à avancer en tout cas ! Le malaise est ailleurs.

Et là, c’est à celle que je nommerai A que je pense. A qui s’est prise à bras-le-corps et qui a remué ses fesses à un âge où l’on ne pense généralement plus aux études. Où on se garde bien de se remettre en question. A ne ressemble à aucun de ces oiseaux-là. Cette année, parcours admirable que celui d’A, qui en ferait pâlir plus d’un, plus d’une, juste en montrant sa réussite. Qui a entre ses mains ce pouvoir... dont elle n'use pas. Elle est sans doute fière de son travail, de ses résultats ; à juste titre. Mais surtout ils sont en elle, pour elle. Et en bonheur à partager autour d'elle. Et c'est tout. Et c'est beaucoup... Elle franchit chaque étape avec son savoir certes, mais surtout avec ses tripes. Sans camoufler les difficultés et les doutes. Alors j’admire comme elle brille, dans son humilité.

Pourquoi penser à A en particulier ? D’autres, comme elle, sont aussi humbles que calés. Peut-être parce qu’elle a partagé pendant des années, sans le savoir, les mêmes lieux où le prof d’Eco en son temps étalait, étalait… Simple coïncidence du temps passant !

  paon-330209

 

Voilà, il existe des gens humbles, conscients de leur petitesse. Et il y a les queues de paons qui font la roue à tour de plumes ou qui les distillent savamment, l'une après l'autre! Que je plains, disais-je plus haut. Oh oui ! En même temps que leur instruction, ce savoir qui leur est si cher, ils exhibent tout leur vide, leur refoulé et leur frustré, leurs manques, pensant que leurs souffrances ne se voient pas, qu’elles sont bien à l’abri derrière tout ce fatras... Elles sont criantes. Béantes.

Alors, je ferme les yeux sur mes pleins, grands et petits, avec au fond, non une blessure, mais un voile de tristesse, me disant que c’est dommage, que cette confiture qu’ils perdent leur vie à étaler, douce et sucrée, sans doute n’y ont-ils pas même goûté. Comme ce vieux bonhomme à la formule si justement trouvée, finalement. Peut-être est-il mort aujourd’hui ; en tout cas, mort de faim sa vie durant le petit homme, ça j’en suis sûre.

 

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