Qui es-tu toi, de l’autre côté d’un miroir que tu ne veux pas voir ?
Qui es-tu à nier tes reflets pour fouiller ceux des autres ?
Quelle laideur ton visage masque-t-il pour soigner ainsi son image ?
« Miroir, miroir, mon beau mon doux miroir, dis-moi quelles sont les fêlures des autres que je ne vois pas les miennes ! »
Comme si la vie avec sa verve, ses rires et ses pleurs n’étaient que des travers.
Comme s’ils ne passaient que par et sur les autres, jamais en toi.
Comme si du rien de ton bout de vie tu avais le pouvoir d’identifier, le droit d’étiqueter ce fragile qui appartient à d’autres.
Il n’y a qu’à écouter ce que dit ton déni.
L’amnésie chez toi n’est pas une maladie, mais un système, tout un système.
L’amnésie qui arrange, l’amnésie qui donne bonne conscience.
Qui oublie les mots outrepassés qui ont bafoué.
Oublier le plus médiocre, le dérangeant, le pouvoir dérobé sur ce qui t’a été donné.
Oublier l’affligeant de ton aveuglement, de tes yeux détournés, les salissures, tes mots accusateurs, supérieurs, peut-être même vengeurs.
Oublier d’en voir les morsures, les meurtrissures, pour tout au bout, n’en rien assumer du tout.
Le pouvoir sûr de lui, dans l’air de rien de certitudes, t'évitant de gratter sous ta surface.
Mais gratter celle d’autres que toi, te donnant l’illusion d’une hauteur personnelle.
Te complaire dans une version, une seule, et te faire caresser sur le champ du virtuel.
Oublierais-tu aussi que ce virtuel n’est que flatteries, sans tain, sans face, sans vérité aucune?
Qu’il ne peut que manger ce dont tu le nourris, même si ce ne sont que vanités biaisées, tronquées, falsifiées ?
Par le biais de tes feintes finesses, toutes tordues au fond, tu ne montres qu’une face.
Celle qui donnerait son petit temps d’humanité trop polie pour être amène?
Celle qui, de la simple foi en ses paroles, croit mettre des actes en marche ?
Et se persuade d’avoir tendu la main quand si peu de mouvements ont été esquissés.
Amnésie qui préfère la troisième personne impersonnelle, à la deuxième…
…trop brutale ? Compromettante ? Trop engageante et dangereuse cette personne-là !
Deuxième personne du verbe aimer au présent, dans amnésie.
Tu a i m e s…Mais qui aimes-tu à part toi-même ?
Ton image savamment ourlée sur le contour d’un rendez-vous manqué, d’un reflet avorté ?
Dans amnésie se cache aussi la main, l’ami, au féminin, au masculin, au singulier ou au pluriel.
Trop mélangées, trop cuisinées, trop chahutées ces lettres pour qu’elles soient de noblesse !
Retire Aimes ou Amies d’amnésie, que reste-t-il ? Deux lettres, deux petites lettres.
Comme une immense NEgation, comme un mépris, une injure à ce qui fut.
Amnésie facile, aménagée, tentant, orgueilleuse, de lisser ses failles dans le reflet.
Qui peut dire toujours que les lézardes sont chez les autres, jamais en soi ?
Celui, celle qui prend, qui bouffe dans les entrailles des autres, mais ne donne pas.
Celui, celle qui n’entend pas, qui ne discerne pas, mais se repaît.
Qui se nourrit des maux des autres pour mieux asseoir son bien.
Des faire-valoir en quelque sorte, comme d’illusoires pansements sur un vide abyssal.
Où est-elle l’humanité revendiquée quand elle n’est au service que de toi-même ?
Qu’on te nomme vampire, parasite, sangsue, pique-assiette,
Tes petits mots qui n’enjolivent que toi sont vils, à mourir de rire ou à vomir.
Amnésie, qu’as-tu donc à prouver pour servir et servir encore ta soupe édulcorée,
Pour baver tes jugements, tes mensonges et quelque part ta mort à petit feu ?
Qu’ils soient de rires, de pleurs, d’amour, les bouillonnements de la vie,
C’est tout de suite et sans ambages, au plus profond du coeur que je les choisis,
Les préférant de loin au frileux qui omet, qui ment et qui te meut.