...vendredi 11 novembre
Déchirures intimes sera présenté
au Salon du Livre de Chaumont,
Maison des Carmélites
de 14h à 19h ...
Ecoute (extrait)
[...]Violon, accordéon… Peut-être même un peu de
contrebasse, oui, pour la profondeur, les vibrations qui vous
prennent aux tripes…La voix du chanteur finit par se taire,
laissant la musique en solitaire emplir les âmes. Au fond,
une certaine mélancolie se dissimule derrière les notes au
premier abord plutôt allègres. Quelque chose de plaintif
même. Le violon sans doute. La musique se tait à son tour.
« Ça me plaît bien…c’est quoi ? »
Brice la regarde sans répondre, puis tourne derechef
ses yeux vers un horizon improbable. N’aurait-elle pas aperçu
une lueur d’agacement traverser son regard ? Il n’ose pas le
lui dire, mais il n’a certainement qu’une envie : se coucher !
Elle le comprend. Pour écourter la soirée, Lucie s’apprête à
recharger les verres, et d’abord celui de Brice. Il lui saisit
un peu brusquement le poignet, stoppant net son geste.
« Non, je t’ai dit ! NON ! » scande-t-il en détachant
clairement les syllabes.
Lucie écarquille les yeux. Cela ne lui ressemble pas vraiment
de s’emporter pour si peu…
« Ne te fâche pas… Bon, heu… moi j’y retourne,
souffle-t-elle, un peu gênée de verser quelques décilitres
d’alcool dans son verre. Faut bien que j’avale mes trente-neuf
ans!—
Quarante ! »
Elle ne déchiffre pas immédiatement le sens de la
réplique péremptoire et fixe Brice d’un air ahuri.
« Quarante ans ! Tu as quarante ans depuis quelques
heures et tu n’y échapperas pas ! Bienvenue au club ! »
Lucie se sent toute bête soudain. Sa gaieté s’affaisse
un peu. Sur le bout de ses doigts, elle fait le décompte, pour
être sûre.
« Ah !… Ouais, t’as raison ! C’est idiot, j’en étais
restée à trente huit dans ma tête…Mince alors, je me prends
deux ans d’un coup !
— … dans ta tête…ouais… idiot…! »
Mais pourquoi répète-t-il ainsi ses mots ? Bizarre.
Brice est vraiment bizarre ce soir. N’aurait-il pas digéré, lui,
son dernier anniversaire ? Elle ferait peut-être mieux de le
laisser se reposer.
Quarante ans… Pour faire passer la pilule qui racle
le fond de sa gorge, Lucie vide d’un seul trait la moitié de sa
flûte.
… rien ne sert… la vie… ainsi…
Il lui semble avoir déjà entendu ces paroles. Elle
écoute plus attentivement.
… retenir tes larmes…
non, n’en fais pas un drame…
je t’assure…
« Sous un air plutôt jovial, les chansons sont un peu
tristes, non ?
— C’est la vie ! »
Brice est tranchant comme jamais. [...]
Déchirures intimes, recueil de nouvelles publié aux editions Jacques Flament, 2010
http://www.jacquesflament-editions.com/boutique/dechirures-intimes/