Non, je ne mendierai pas.
Ici, ni monnaie, ni valeur quantifiable en once d’or et poids d’argent.
Ni chemise à vendre, ni logis à louer.
Parce que si cela est beaucoup, ce n’est rien au ventre de l’existence.
Ici, rien que de nobles sentiments, ceux des sens qui ne mentent pas.
Ceux que l’on effeuille, que l’on effleure, ceux que l’on souffle à l’autre, à l’oreille, droit au cœur.
Ici l’incommensurable, l’insondable, ce qui n’a ni toit ni fond, ce qui est au plus profond, ce qui nous emmène loin, à l’autre bout du monde, à l’infini de l’inimaginable. Au cœur, au creux, dans l’écrin de l’existence.
Parce que l’autre qui révèle, qui éveille, qui attise l’amour, prend, à chaque fois, un petit bout de soi.
Et s’il tisse l’amour pour me le rendre, s’il tisse une toile aux mailles lâches, dès lors, l’incommensurable et l’insondable basculent, se lisent en creux soudain , déchirent la trame, s’abîment plus bas que le fond.
Cet amour-là, même pas donné, juste rendu, pas même offert, mais retenu, n’est que promesse réitérée, sans absolu.
Cet amour-là, qui fait attendre, qui manipule l’espérance, mais qui s’est tu dès le début, lacère, entaille, éventre ; mais n’aime pas.
Cet amour-là ne partage pas, cet amour-là au mieux s’amuse, du temps, du vent, du don de l’autre, de la candeur de sa soie, de ses yeux éperdus.
Cet amour-là, n’a que des mains, n’a que des maux.
Cet amour-là miroite mais ne luit pas.
Ce mirage-là nie le plus cher, le plus ancré.
Cet amour-là, je n’en veux pas.
A genoux, je n’irai pas ; de main tendue, émue et tremblée, il n’y aura pas.
Je ne serai courbée que pour mieux protéger la graine à germer, le bouton à fleurir. J’attendrai l’heure, une autre, celle qui ne griffe pas.
Sans amertume, mais sans oubli ; sans reflet, sans regret, j’enduis du baume de mes heures les écorchures, je me redresse, je me ramasse au creux, dans l’écrin, pour faire éclore une fleur aux pétales doux, à la tige fine et ondulante, s’élevant à la lumière, aux fragrances sûres qui ne se troublent pas.
Je patienterai mille ans s’il le faut, avec sous la peau, une marque et mon souffle à offrir.
Pour un amour livide et évidé, pour un amour qui ment son nom, je ne chercherai ni le parfum, ni la bouche, ni les mains.
Non, pour un amour feint, je ne mendierai pas.
(ririfleur.centerblog.net)